Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/52

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1680 mauvaise fortune. Dans cinquante ans tout sera égal, et les plus heureux, comme les autres, auront passé dans ce grand fleuve qui nous entraîne tous. J’ai peur que Monsieur votre fils ne remette pas la fortune dans notre maison ; il a quelque chose de brusque et d’impétueux qui ne lui attire pas beaucoup d’amis. Que n’êtes-vous un garçon, Madame de Coligny ? vous feriez des merveilles à la cour ; mais la Providence vous a destinée pour la chère et douce consolation d’un père illustre et malheureux ; jouez donc votre rôle, comme chacun fait le sien. Faites bien des réflexions de votre côté, comme nous en faisons du nôtre, et continuons de nous aimer malgré nos éloignements. Pour moi, je suis accoutumée à aimer de deux cents lieues loin : jugez si vous n’êtes pas assurée de moi. La Provençale se porte assez bien ; elle ne voit encore rien d’assuré pour son retour ; je crois que le mien sera sur la fin de l’année. Nous avons ici les mêmes amusements que vous avez chez vous. Rien n’occupe plus doucement que de faire ajuster sa maison et ses jardins ; mais vous n’avez rien à faire à votre belle situation de Chaseu. Je n’oublierai jamais vos prairies et vos moutons, non plus que votre bonne compagnie et votre bonne réception[1].

Adieu, mon cousin ; adieu, ma nièce : je suis toujours tout à vous. J’oubliois de vous dire que mon fils n’a point été du nombre des prisonniers ; le voilà qui vient[2] de retourner ici ; il vous fait mille compliments et à Mme  de Coligny[3].

  1. 6. Mme  de Sévigné avait passé quelques jours chez Bussy, à Chaseu, dans l’automne de l’année 1677. Voyez la lettre du 3 septembre 1677, tome V, p. 307.
  2. 7. Telle est la leçon du manuscrit de la Bibliothèque impériale. La copie que nous suivons d’ordinaire donne : « le voilà qu’il vient. »
  3. 8. Quelques éditions antérieures donnent une lettre de Corbinelli