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l055. DU COMTE DE BUSSY RABUTIN A MADAME DE SÉVIGNÉ ET A CORBINELL1.

Quinze jours après que j’eus reçu cette lettre, j’y fis cette réponse. A Cressia, ce 5e juillet 1688.

A MADAME DE SÉVIGNÉ.

JE reçus votre lettre du 15e de l’autre mois, Madame, en partant de Chaseu pour venir en Comté. Le voyage et le nouvel établissement m’ont empêché jusques ici de vous ôter de la cruelle incertitude où vous pourriez être, vous et notre ami, de ce que je serois devenu; car enfin, quelque confiance que vous ayez en mon tempérament, il se peut démentir, et ma mauvaise fortune continuant, m’obliger non pas de m’aller pendre, mais, ce qui seroit plus tôt fait, de m’aller jeter par les fenêtres, pour peu que j’eusse à prendre les matières à cœur. Je suis ici à gogo, logé sur

Un mont pendant en précipices, Qui pour les coups du désespoir Sont aux malheureux si propices.

Ne craignez pourtant rien : Madame je n’eus jamais tant d’envie de vivre que j’en ai, et quoi que j’aie dit au Roi, ce n’est pas assurément pour la dernière fois de ma vie que je lui ai embrassé les genoux[1]. Je les lui embrasserai encore, et si souvent que j’irai peut-être enfin jusqu’à sa bourse[2]. Je suis ravi de sa convalescence et du

  1. LETTRE 1055. 1. Voyez dans la Correspondance de Bussy, tome VI, p. 125, la lettre au P. Bouhours, en date du 23 avril 1688.
  2. 2. Mme de Coligny a rayé ces deux derniers mots sur le manuscrit de son père, et à sa bourse elle a substitué son cœur.