Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

198

1069. DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, ce vendredi 8è octobre.

Voila une pluie qui nous désole. Ma chère fille, vous allez passer justement cette vilaine descente ou montagne de Rochepot[1] que de chagrins on a, quand on aime avec attention ! nous ne saurions vous aimer héroïquement, quoiqu’il y ait là-bas[2] de l’héroïque ; on ne peut vous connoitre, et s’attacher à vous, sans une extrême tendresse. Ce pauvre héros a toujours la goutte ; cela fait une véritable peine. Il a des gens 3[3]de bon esprit, comme Saint-Romain[4], l’abbé Bigorre[5], Croisilles[6]

  1. LETTRE 1069.1. Entre Saulieu (Côte-d’Or) et Chalon-sur-Saône. Voyez la description de la montagne de Rochepot, dans l’Itinéraire de Paris à Lyon, de M. Joanne, p. 179 et 180.
  2. 2 c'est-à-dire dans l'appartement du chevalier de Grignan(Note de Perrin.)
  3. 3. « II y a des gens. » (Édition de 1754.)
  4. 4. Melchior de Harod de Senevas, marquis de Saint-Romain, conseiller d’État, abbé de Préaux et de Corbigny, que Saint-Simon, dans ses notes sur Dangeau (tome V, p. 45), appelle « amphibie de beaucoup de mérite, et qui avoit manié beaucoup de négociations, conseiller d’État, d’épée sans être d’épée, avec des abbayes sans être d’Église. 11 prit part aux négociations du traité de Munster, fut ambassadeur en Portugal et en Suisse, et mourut à Paris le 1er juillet 1694, à quatre-vingts ans passés. Saint-Simon, à l’endroit déjà cité, dit à propos de sa mort : Saint-Romain et Courtin, tous deux conseillers d’État, l’un d’épée, l’autre de robe, l’un garçon, l’autre veuf, tous deux pleins d’honneur et de vertu, tous deux fort considérés et ayant beaucoup d’amis, tous deux fort employés dans les négociations avec capacité et réputation, étoient tellement amis qu’ils logeoient ensemble, et qu’ils passèrent un grand nombre d’années dans cette union à la fin ils s’en lassèrent, et par leur séparation, quoique demeurés amis, ils firent honte à l’humanité. » Voyez la lettre du 10 juin 1694-
  5. 5. Voyez tome II, p. 377, et la note 4. L’abbé Bigorre rédigeait alors la Gazette ; voyez la lettre suivante, p. 204.
  6. 6. Guillaume Catinat, seigneur de Croisilles, frère du maréchal, qui