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de voyage.

quand l’un se lève l’autre se couche. — La plus grande peine qu’on inflige aux forçats est l’accouplement, et, sous ce rapport, l’intérieur d’un vaisseau ressemble parfois à un bagne.

« Et que dirai-je de cet autre couple qui laisse sa cabine ouverte. L’amour est un mystérieux sanctuaire : entrez-y si vous voulez, mais fermez la porte. »

Tous les portraits qu’il fait de ses compagnons de voyage sont des croquis à la plume qu’il trace d’un trait ; quelques hachures lui suffisent pour leur donner du relief.

« Quant à cet ex-maître d’école, ajoute-t-il, grand bœuf campagnard de cinq pieds sept pouces, qui boit deux litres de vin par repas, engloutit la part de trois, dort et ronfle comme s’il grognait, je lui ai fait voir le tropique du Capricorne dans la lunette du capitaine. »

Après l’aveu de cette joyeuse mystification, notre voyageur poursuit son journal et se montre partout non seulement homme d’esprit, mais aussi homme de cœur. On s’en aperçoit à chaque page :

19 juillet.
En face du cap Horn.

« Pourquoi chercher d’autres cieux quand on peut être bien chez soi, quand une famille chérie vous tend les bras !… être si longtemps sans voir la terre ! voici 95 jours que nous sommes en