Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/106

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le vrai sens du mot. Byron, de tous les poètes, celui qui aime le mieux la mer, lui adresse souvent de belles strophes, et, dans son épopée semi-séria, il a peint un naufrage avec une vérité étonnante. La barque de Don Juan vaut bien le radeau de la Méduse ; mais Byron n’est pas, non plus que Delacroix, qui a tiré des octaves du noble lord un si admirable tableau, un peintre spécial de marines. J. Autran a voulu combler cette lacune en publiant vers 1852 les Poëmes de la mer, où il la représente sous tous ses aspects, lumineuse et sereine, écumante et sombre, dans le calme ou la tempête, dorée par le soleil, argentée par la lune, roulant dans ses plis une feuille du laurier de Virgile ou une orange de Sorrente, effleurée au vol de la mouette, sillonnée de barques aux voiles blanches, belle de sa beauté fluide et multiforme qui se défait et se refait sans cesse, et cela non pas d’une manière sèche et didactique à la façon des vieux peintres descriptifs, mais avec l’âme humaine mêlée à l’immensité et plus grande qu’elle encore.

Dans la préface de ce livre, l’auteur semble se tracer sa tâche pour l’avenir, tâche qu’il a remplie déjà avec une fidélité que n’ont pas toujours les poètes. Voici ses propres paroles : "Selon nous, il est ici-bas trois grands et trois magnifiques métiers, auxquels sont dus les honneurs de la muse : l’agriculture, la guerre, la navigation. Laboureurs, soldats et matelots, telles sont les trois primordiales divisions de la famille humaine ; les trois plus considérables catégories de notre espèce laborieuse, souffrante et glorieuse, résident là tout entières."

Laboureurs et soldats ont suivi de près les Poèmes de la mer et les trois grandes catégories humaines ont été célébrées en beaux vers, qui tiennent de Laprade pour la sérénité lumineuse et de Méry pour le timbre d’or des rimes. Milranah et La Vie rurale qui servent de complément à Soldats et laboureurs montrent chez le poète la persistance de l’idée émise en son premier volume.

L’école romantique a remis en honneur le sonnet, depuis si longtemps délaissé. La gloire de cette réhabilitation appartient à