Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/115

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Murger, où la Jeunesse jette ses dernières fleurs : " Il fit la chanson de Musette."

Nous venons de parler de chansons. Dans la nouvelle école elles sont rares ; l’art de Boufflers, de Desaugiers et de Béranger est un peu dédaigné comme frivole et badin. La guitare est abandonnée pour la lyre, et Pierre Dupont lui-même visait à l’ode populaire, à la Marseillaise poétique. C’est pourtant, comme on dit, un genre bien français que la chanson, aussi français que l’opéra-comique et le vaudeville. Gustave Nadaud a fait une chanson moderne qui reste dans les limites du genre et pourtant contient les qualités nouvelles d’images, de rythme et de style indispensables aujourd’hui. Il fait lui-même la musique de ses vers, et il les chante avec beaucoup de goût et d’expression. La chanson est une muse bonne fille qui permet la plaisanterie et laisse un peu chiffonner son fichu, pourvu que la main soit légère ; elle trempe volontiers ses lèvres roses dans le verre du poète où pétille l’écume d’argent du vin de Champagne. À un mot risqué elle répond par un franc éclat de rire qui montre ses dents blanches et ses gencives vermeilles. Mais sa gaieté n’a rien de malsain, et nos aïeux la faisaient patriarcalement asseoir sur leur genou. Maintenant qu’on est plus corrompu, la pudeur est naturellement plus chatouilleuse, et Gustave Nadaud a eu besoin de beaucoup d’art et de discrétion pour conserver, malgré ces scrupules, la liberté d’allure de la chanson, à laquelle il faut une pointe de gaillardise, d’enivrement bachique vrai ou feint, et d’opposition railleuse. Gustave Nadaud a souvent mêlé à cette veine, qui vient d’Anacréon en passant par Horace et en continuant par Béranger, des morceaux d’une inspiration élevée et d’un sentiment exquis que le refrain seul empêche d’être des odes. Mais bientôt il reprend le ton léger, tendre, spirituel ou comique qui convient à son instrument, car après tout Nadaud, quoique poète, est un véritable chansonnier !

Nous avons signalé les quatre ou cinq figures qui se présentent d’elles-mêmes à la mémoire et à la plume du critique dans le recensement