Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/133

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geais et quelques pies jetant leur dissonance à travers l’harmonie générale. À force d’attention, vous parvenez à distinguer la partie que fait chaque oiseau dans le concert, vous appréciez sa qualité de voix, son trille et sa roulade ; vous nommez chacune des fleurs de votre bouquet déjà énorme. Mais il y a dans la forêt des milliers d’oiseaux que vous n’avez pas entendus, qui chantent à une autre heure, au fond d’un massif où ne conduit aucune route. Des violettes aussi fraîches, aussi pures, aussi parfumées que celles dont se compose votre bouquet, croissent solitairement sous des gazons où nul œil humain ne les découvre. Elles s’y fanent dans le silence et le mystère sans que personne les ait respirées. Cependant, le soir descend, et fatigué, vous vous dites : "Puisque je ne puis compter tous les oiseaux ni toutes les violettes, je donnerai le prix au rossignol et à la rose." Bientôt le rossignol lance son étincelante fusée de notes qui s’épanouit dans le silence comme un feu d’artifice musical ; mais, pendant qu’il reprend haleine, un autre rossignol élève la voix, et son chant n’est pas moins beau ; un troisième, qui n’est pas sans talent, continue. Vous allez au rosier, mais la rose n’est pas seule, elle est entourée de compagnes aussi jolies qu’elle, sans compter les jeunes boutons qui n’ont pas encore délacé leur corset de velours vert.

La nuit est venue. À l’horizon passe avec son panache de fumée et son cri strident un convoi de chemin de fer. Les voyageurs retournent à la ville. Nul n’a eu l’idée de s’arrêter dans le bois où chantent les oiseaux, où fleurissent les violettes. Mais, à vrai dire, l’humanité a autre chose à faire que d’écouter des chansons et de respirer des parfums. Quel dommage pourtant que tant de charmantes choses soient perdues ! La poésie est prodigue comme la nature.

Mais voici qu’au moment de finir nous apercevons dans notre travail une lacune. Nous n’avons pas parlé des femmes poètes. Mmes Desbordes-Valmore, Amable Tastu, Delphine de Girardin, Anaïs Ségalas, appartiennent à une période antérieure ; mais la lyre