Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que les pasteurs du Latmos vénèrent comme un dieu. Il est digne d’elle pour sa blancheur virginale et sa chasteté neigeuse.

Aux sonnets se joignent des pièces plus étendues, que l’auteur désigne sous le nom de Rhythmes, et qui outre l’élévation de la pensée, la beauté du style, montrent la science la plus profonde de la métrique. On voit bien que M. de Gramont a étudié avec amour Dante, Pétrarque, et tous les grands Italiens, ces maîtres d’architectonique dans la structure du vers. M. de Gramont est le seul poète français qui ait su réussir la Sextine, ce tour de force qu’on croirait impossible dans notre langue. La Sextine est une pièce de vers où les rimes de la première stance, toujours reprises, changent de place aux stances suivantes, comme des danseuses qui deviennent tour à tour coryphée de leur groupe et conduisent les évolutions de leurs compagnes.

Arsène Houssaye n’est pas non plus un nouveau venu dans la poésie. Il chantait avant février, mais il a chanté depuis, et ses meilleurs vers sont les derniers. A travers le roman, la critique, l’histoire littéraire, Arsène Houssaye a mis au jour trois recueils : les Sentiers perdus, la Poésie dans les bois, les Poëmes antiques, qui datent de 1850 et le rattachent à cette période que nous avons mission d’explorer, sans compter les vers qu’il sème çà et là tout en marchant dans la vie, et qu’il n’a pas recueillis, comme ces magnats hongrois qui ne daignent pas se courber au bal pour ramasser les perles détachées de leurs bottes. Quoiqu’il appartienne par ses sympathies à ce grand mouvement romantique d’où découle toute la poésie de notre siècle, Arsène Houssaye ne s’est fixé sous la bannière d’aucun maître. Il n’est le soldat ni de Lamartine, ni de Victor Hugo, ni d’Alfred de Musset. Son indépendance capricieuse n’a pas voulu accepter de joug. Comme certains poètes, il ne s’est pas, d’après un système, modelé un type auquel il fallait rester fidèle sous peine de contradiction et d’inconséquence. Combien aujourd’hui ne sont plus que les imitateurs d’eux-mêmes et n’osent plus sortir du moule invariable où ils condamnent leur pensée !