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MARQUIS DE SADE — 1788
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Depuis un mois, monsieur l’avocat, je suis malade, sans avoir de fièvre cependant, ni rien de dangereux. Je suis faible, je digère très difficilement. Je profite d’un jour, un peu plus de force, pour vous écrire de dire à mon oncle qu’il vient d’être accordé à son neveu un invalide pour faire sa chambre, son lit, auquel on donne un louis par mois. Il le garde quand il est malade, fait ses commissions, sous l’aveu et les ordres des officiers. Cela fait par conséquent une augmentation de dépense de près de trois cents livres que j’espère que mon oncle voudra bien vous autoriser à payer. Plus il m’a demandé huit louis, que j’ai envoyés, pour le déménagement et changement de chambre plus commode, et M. de Sade veut y faire faire bien des petites choses pour sa commodité, comme tentures, etc… Cet article-ci est une fois payé. Il m’a demandé aussi un lit, une couverture, matelas pareil à son ancien lit de camp, parce que il veut avoir un lit dont il soit sûr. Vous connaissez sa délicatesse. Quand j’aurai payé tout cela, je vous marquerai à quoi cela monte……


J’approuve ce que madame de Sade demande dans la présente lettre. À Saint-Cloud, ce 14 octobre 1788.
Le bailli de Sade.



M. de Sade change de chambre et s’excuse d’importuner sa femme de ses demandes d’argent alors qu’elle est malade. (Sans date).

Je suis bien fâché, ma chère amie, de vous coûter aussi cher dans un temps surtout où vous êtes malade, mais, quand j’ai commencé cette dépense, j’ignorais votre incommodité ; je ne l’aurais sûrement pas faite si je l’avais sue.

Je me suis bien trompé sur l’article de mon déménagement. Il va beaucoup plus haut que je ne l’avais cru, non qu’assurément j’ai fait la plus petite dépense inutile et qu’il y ait seulement un louis donné en luxe ; tout est de première nécessité et tout se réduit à une vieille tapisserie, un lit de camp, du sapin et du papier ; il n’y a pas absolument autre chose dans ma chambre ; et cependant il me faut encore vingt louis. Tu voudras bien, ma chère amie, me faire le plaisir de les tenir prêts pour la fin de ce mois sans faute, car tout est presque fini, il n’est plus temps de reculer. Si tu désires mon bien être dans la malheureuse position où je suis, n’y aie pourtant pas de regret, car au moins je serai aussi bien qu’on peut l’être en prison, et sainement, ce qui est le plus important. Je t’embrasse et te supplie de te bien ménager. Tu ne saurais croire combien ton état m’inquiète et combien je suis désolé de te causer, dans cet instant-ci, tant de dépenses et d’embarras.

Il faut absolument que tu accuses sous peu de jours la réception de celle-ci, sans quoi je serai contraint à prier les officiers de t’en faire part de ce qu’elle contient. Adieu ; des nouvelles de ton état, je te conjure.

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