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MARQUIS DE SADE — 1791
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tante, vous sentez avec quelle diligence il faudrait faire mettre le scellé. Il faut de plus avoir quelque intelligence dans sa maison, afin que vous soyez averti des donations des amis ou amies qui l’entoureraient pour tâcher de me souffler une succession qui, comme vous dites fort bien, ne peut aller qu’à moi et que pourtant une infinité de gens (vous le verrez) chercheront à me souffler. Par exemple, que va-t-elle faire à Orange chez une amie intime, à ce qu’elle me mande ? N’est-elle pas aussi bien à Carpentras ? Tout cela vous regarde, mon cher avocat, et je me remets à votre amitié et à vos soins, sur tout cela. Je ne vous parle pas ni de la délicatesse ni des égards qu’il faut employer dans ces manœuvres. Votre cœur et votre esprit vous en suggéreront plus que je pourrais vous en dire. Mais agissez, agissez, je vous en conjure, la chose en vaut la peine et je vous donne ma parole d’honneur que vous n’aurez pas à vous repentir des soins que vous me donnerez à cet égard……


Le marquis dresse, à tête reposée, un plan pour obtenir de madame de Villeneuve qu’elle fasse un testament en sa faveur et parle de la représentation de sa première pièce.

……Il me paraît que, dans l’état actuel des choses, il ne me revient rien à moi personnellement de madame de Raousset, et pas davantage à mes enfants. Madame de Villeneuve seulement hérite d’un tiers, lequel bien doit me revenir après madame de Villeneuve ; et ce que nous avons à faire est d’empêcher que les entours de madame de Villeneuve ne la décident à faire peut-être de ses possessions, améliorées de ce tiers, quelque disposition contraire à moi et à mes enfants. La question est-elle bien posée ? Je le crois, et je disserte en conséquence.

Sans doute, dans cette supposition, rien ne serait utile comme ma présence dans votre chère contrée, mais votre amitié pour moi n’y peut-elle pas suppléer ? Après avoir pourvu d’abord à la remise exacte des fonds provenus du tiers, à la dite remise, dis-je, dans la cassette de madame de Villeneuve, ne pouvez-vous pas travailler, et de corps, et d’esprit à ce que les susdits fonds ne s’évaporent pas, jusqu’à ce que j’aie été chatouiller l’épaule droite de la dite tante ? On l’entoure, on l’entourera, ne pouvez-vous pas la désentourer, lui parler, lui faire parler sans cesse de moi, de mon attachement bien sincère pour elle ? Je souligne ce mot de sincère, car certainement ma tendresse pour elle mérite cet adjectif. Je vous appuierai jusqu’au printemps par des lettres, j’arriverai enfin. En un mot, voilà ce que je propose ; voyez s’il est possible de faire mieux. Rectifiez tout cela, mon cher avocat ; étant sur les lieux vous êtes à même de voir une infinité de choses qui m’échappent et les yeux de l’amitié sur cela valent souvent ceux de la personne intéressée même……

Pour revenir maintenant à madame de Villeneuve, n’y aurait-il pas moyen, et ne serait-ce pas la façon de la complètement désentourer, que de lui faire faire un bon testament en ma faveur ? Elle a si bonne volonté,