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MARQUIS DE SADE — AN II.
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Convention. Sans doute sait-on en Provence ce que M. de Sade se garde de dire ; il a été arrêté et se trouve de nouveau sous les verrous, où il reste pendant trois cent douze jours, depuis le quinze frimaire, an II, jusqu’au vingt-quatre vendémiaire, an III. Il prétend être à la campagne et donne successivement deux adresses où on peut lui écrire : la première est celle du citoyen Renelle, rue de la Poterie, no 26, section des Arcis, la seconde celle de la citoyenne Quesnet, rue de la Ferme-des-Mathurins, no 871, c’est-à-dire celle de la maison où il habitait au moment de son arrestation. Toutes deux montrent que son amie, née Constance Renelle, reçoit les lettres qu’on lui envoie. C’est d’ailleurs à elle qu’il va se déclarer redevable de son salut.




Le marquis apprend que Gaufridy aurait pris de nouveau la fuite ; il regrette que l’avocat n’ait pas imité son exemple et fait taire la calomnie en ne bougeant pas. (Sans date).

Toujours des queues, mon cher avocat, en honneur et conscience vous aimez les queues comme une jolie femme. Il ne vous aurait pas été égal de mettre mes cent vingt francs avec les autres assignats, et, connaissant à quel point j’abhorre les queues, il ne vous aurait pas été indifférent de ne pas me faire crier six semaines après mes cent vingt francs……

Je vous remercie de vos conseils sur l’économie. Je les reçois, mon cher avocat, avec la même sensibilité qui les donne, mais croyez que je ne dépense pas trop ; il est impossible de dépenser moins, mais si vous saviez à quel prix tout est dans ce pays-ci, vous en frémiriez. On a fait un décret pour fixer les denrées et les marchands s’en moquent.

Lions d’Arles vient de me donner un coup de foudre ; il m’écrit d’abord que ma récolte est superbe et que mon blé se vendra trente-trois francs. Quatre jours après, il m’écrit qu’un décret oblige les propriétaires à ne vendre que quatorze francs ; et qui me répond qu’avant le décret il ne s’est pas pressé de le vendre trente-trois ? Je crains bien que ce Lions cadet ne vaille pas mieux que l’aîné et d’avoir troqué mon cheval borgne contre un aveugle……

J’interromps ma lettre ici pour en lire une de Quinquin qui me donne une grande inquiétude sur votre compte. Je vous conjure de m’éclaircir et de me calmer sur le champ. Il me mande positivement que, compromis dans l’affaire de Marseille, vous n’êtes plus dans ce pays. Connaissant votre