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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Il ne l’est pas, grâce à Cazade qui lui fait avoir un sursis. L’huissier est à sa porte et l’on a mis des garnisaires chez lui. Il écrit de nouveau à Charlotte Archias. Cazade écrit de son côté à l’avocat : l’état de détresse où se trouve le marquis est, selon lui, plein de danger pour un homme mis en surveillance. La lettre de Cazade est d’une politesse sans défaut et, néanmoins, assez équivoque : on croit sentir le faciendaire d’ancien régime dans la façon d’écrire de ce commissaire du directoire. Mais comment Gaufridy s’y prendrait-il pour envoyer de l’argent, à moins de donner du sien ? Il n’a reçu qu’un avis de payer à l’enregistrement de l’Isle cent vingt-sept francs « huitante »-quatre centimes pour arrérages de rentes dues aux ci-devant religieuses de Sainte-Élisabeth et diverses réclamations de créanciers, tandis que le fermier Campan se plaint toujours que les bâtiments d’Arles menacent de lui tomber sur la tête et se voit lui-même délivrer une contrainte de cinq cent soixante-quatre francs quatre-vingt-dix.

M. de Sade hausse le ton de jour en jour et crie à s’étrangler. Quesnet gît sur un grabat et Gaufridy fera si bien qu’il laissera les créanciers mettre la main sur l’argent d’Arles. Oh ! Que cela n’arrive pas, car, si vieux qu’ils soient l’un et l’autre, le marquis « irait mesurer son âge avec celui de l’avocat ! » Quant à Charles, c’est un fou et un menteur qu’on devrait fouetter au cul et aux oreilles et dont le marquis ne veut plus entendre parler.

Est-ce illusion, ou bien M. de Sade exagère-t-il sa détresse ? En dépit de ses plaintes, il se souvient soudain d’avoir entendu dire que la loi instituant le rachat des rentes foncières est rendue et il imagine aussitôt qu’il va pouvoir retirer celles qu’il s’est réservées dans la vente de la Coste. Cela lui permettra de s’arrondir dans la Beauce, où il a un joli bien en vue. En attendant, la Malmaison est saisie par Paîra et Grandvilliers par de Bar ; mais le marquis a pu tromper ses créanciers et vendre à réméré un bois de trois mille cinq cents francs qui en vaudra dix mille dans dix ans, lorsqu’il l’aura racheté !

M. de Sade est revenu à Saint-Ouen. Quesnet est toujours malade. Gaufridy n’est pas allé à Arles et sa réponse à Cazade est un modèle d’entortillage et de jésuitisme « qui a achevé de le perdre dans l’esprit de cet honnête homme ». L’avocat reçoit de l’argent pour se mal conduire ; il se moque en prétendant que les débiteurs de rente du Vaucluse refusent de se libérer au prétexte que le citoyen Sade a émigré, que le mas de Cabanes menace ruine, que les fermiers ne veulent pas