Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/102

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tant plus de violence, que l’éloignement avait plus de force en nous. Je suis arrivé ici comme toi, entêté de sottes idées nationales ; je blamais tout… je trouvais tout absurde : les usages de ces peuples m’effrayaient autant que leurs mœurs, et maintenant je fais tout comme eux. Nous appartenons encore plus à l’habitude qu’à la nature, mon ami ; celle-ci n’a fait que nous créer, l’autre nous forme ; c’est une folie que de croire qu’il existe une bonté morale : toute manière de se conduire, absolument indifférente en elle-même, devient bonne ou mauvaise en raison du pays qui la juge ; mais l’homme sage doit adopter, s’il veut vivre heureux, celle du climat où le sort le jette… J’eus peut-être fait comme toi à Lisbonne… À Butua je fais comme les nègres… Eh que diable veux-tu que je te donne à souper, dès que tu ne veux pas te nourrir de ce dont tout le monde mange ?… J’ai bien là un vieux singe, mais il sera dur ; je vais ordonner qu’on te le fasse griller. — Soit, je mangerai sûrement avec moins