Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/178

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querelles survenues dans ces échanges sont un de ses fréquens motifs de guerre, et alors ils se bat au lieu de commercer, les comptoirs deviennent des champs de bataille.

La politique, qui apprend à tromper ses semblables en évitant de l’être soi-même, cette science née de la fausseté et de l’ambition, dont l’homme d’état fait une vertu, l’homme social un devoir, et l’honnête homme un vice… La politique, dis-je, est entièrement ignorée de ce peuple ; ce n’est pas qu’il ne soit ambitieux et faux, mais il l’est sans art ; et comme ceux auxquels il a affaire ne sont pas plus fins, il en résulte qu’ils se trompent gauchement les uns et les autres ; mais tout autant que s’ils le faisaient avec plus d’industrie. Le peuple de Butua tâche d’être le plus fort dans les combats, de gagner le plus qu’il peut dans ses échanges, voilà où se bornent toutes ses ruses. Il vit d’ailleurs avec insouciance et sans s’inquiéter du lendemain, jouit du présent le mieux qu’il peut, ne se rappelle point le passé, et ne prévoit jamais l’avenir ;