Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/273

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et les Rois seuls ne m’apprenaient qu’à me désespérer d’être né pour le devenir.

Par-tout je vis beaucoup de vices et peu de vertus ; par-tout je vis la vanité, l’envie, l’avarice et l’intempérance asservir le faible aux caprices de l’homme puissant ; par-tout je pus réduire l’homme en deux classes, toutes deux également à plaindre : dans l’une, le riche esclave de ses plaisirs ; dans l’autre, l’infortuné, victime du sort ; et je n’aperçus jamais ni dans l’une, l’envie d’être meilleure, ni dans l’autre, la possibilité de le devenir, comme si toutes deux n’eussent travaillé qu’à leur malheur commun, n’eussent cherché qu’à multiplier leurs entraves : je vis toujours la plus opulente augmenter ses fers en doublant ses desirs ; et la plus pauvre, insultée, méprisée par l’autre, n’en pas même recevoir l’encouragement nécessaire à soutenir le poids du fardeau : je réclamai l’égalité, on me la soutint chimérique ; je m’aperçus bientôt que ceux qui la rejettaient n’étaient que ceux qui devaient y perdre, de ce mo-