Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/416

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tu veuilles faire sentir, dès qu’ils voient le jour, qu’ils ne sont nés que pour porter des fers ? Que gagnes-tu enfin à gréver la nature ? Elle n’est jamais ni plus belle, ni plus grande que lorsqu’elle s’échappe de tes digues ; et ces arts, que tu chéris, que tu recherches, que tu honores, ces arts ne sont vraiment sublimes, que quand ils imitent mieux les désordres de cette nature que tes absurdités captivent ; laisse-là donc à ses caprices, et n’imagine pas la retenir par tes vaines loix ; elle les franchira toujours dès que les siennes l’exigeront, et tu deviendras, comme tout ce qui t’enchaîne, le vil jouet de ses savans écarts.

Grand homme ! m’écriai-je dans l’enthousiasme, l’univers devrait être éclairé par vous ; heureux, cent fois heureux les citoyens de cette isle, et mille fois plus fortunés encore les princes qui sauront se modeler sur vous. Combien Platon avait raison de dire, que les États ne pouvaient être heureux qu’autant qu’ils auraient des philosophes pour rois, ou que les rois seraient philosophes. Mon