Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/492

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mérite de plus m’a attiré toute leur haine ; avec des vices et de la médiocrité, je n’aurais trouvé que du bonheur ; il ne faut qu’être bas et rampant pour être sûr de leur estime… Mais si des talens vous décorent, si la fortune vous rit, si la nature vous sert, leur orgueil humilié ne vous prépare plus que des pièges ; et la méchanceté qu’il arme, et la calomnie qu’il envenime, toujours prêtes à vous écraser, vous puniront bientôt d’être bon, et vous feront repentir de vos vertus. Puis revenant sur la première origine de mes erreurs, mon plus grand crime, ajoutai-je, est d’avoir aimé Léonore ; à cette première faiblesse tient la chaîne de toutes mes infortunes ; sans cela, je n’aurais pas quitté la France : que de maux ont suivi cette première faute ! Que dis je, hélas ! plus malheureuse que moi, que fait-elle isolée sur la terre ? En l’enlevant à sa famille, n’ai-je pas détruit son bonheur ? En l’arrachant à son devoir, n’ai-je pas flétri ses beaux jours ? Ne lui ai-je pas ravi, par cette coupable imprudence, toute la