Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/507

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l’innocence[1]. Vous me trompez, reprit la compagne de mon sort, je démêle au mieux vos soupçons ; ils sont déplacés vis-à-vis de moi : si nous pouvions nous voir, je vous convaincrais de ma franchise : voulez-vous m’ai-

  1. C’est cette affreuse habitude où sont les juges, de ne jamais regarder qu’un coupable dans l’accusé, qui leur font commettre de si sanglantes méprises : tant de causes, pourtant, peuvent avoir attiré des ennemis à un homme ; la médisance, la calomnie sont si fort en usage, qu’il paraîtrait que dans toute ame honnête, le premier mouvement devrait toujours être à la décharge de l’accusé ; mais où y a-t-il aujourd’hui des juges de cette vertu ! et la morgue, et la sévérité, et l’insolent et stupide rigorisme, que deviendrait tout cela, si au lieu de pendre et rouer, on passait sa vie à innocenter ou absoudre ; un coupable, tel ou non, un homme à pendre, enfin, est un être aussi essentiel à des robins, que la mouche à l’araignée, la brebis au lion féroce, et la fièvre aux médecins.