Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/519

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Mes membres frémissent… une angoisse cruelle enchaîne à l’instant tous mes sens, et revenant comme un trait de cette situation, je vole aux genoux de cette fille chérie… Ô Léonore ! m’écriai-je, et je tombe à ses pieds sans connaissance.

Je ne sais ce que je devins, ce qu’on fit, ce qui se passa ; mais je ne reviens à moi que dans les foyers ; et quand mes yeux se rouvrirent, je me retrouvai soigné par Sainclair, plusieurs femmes de la comédie et Léonore à genoux devant moi, une main appuyée sur mon cœur, m’appelant et fondant en larmes… Nos embrassemens… notre délire… nos questions coupées, reprises cent et cent fois et jamais répondues ; l’excès de notre tendresse mutuelle, et du bonheur que nous sentions à nous retrouver enfin après tant de traverses, arrachaient des larmes à tout ce qui nous entourait. On avait annoncé la débutante évanouie ; l’impossibilité de donner le Père de Famille, et toute la troupe s’était renfermée avec nous dans les foyers. Léonore