Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/70

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de par-tout, nous l’attendions à tout instant.

C’est ici qu’un philosophe eût pu se plaire à étudier l’homme, à observer la rapidité avec laquelle les changemens de l’atmosphère le font passer d’une situation à l’autre. Une heure avant, nos matelots s’enivraient en jurant… maintenant, les mains élevées vers le ciel, ils ne songeaient plus qu’à se recommander à lui. Il est donc vrai que la crainte est le premier ressort de toutes les religions, et qu’elle est, comme dit Lucrèce, la mère des cultes. L’homme doué d’une meilleure constitution, moins de désordres dans la nature, et l’on n’eût jamais parlé des Dieux sur la terre.

Cependant le danger pressait ; nos matelots redoutaient d’autant plus les rochers à fleur d’eau, qui environnent l’île Saint-Mathieu, qu’ils étaient absolument hors d’état de les éviter. Ils y travaillaient néanmoins avec ardeur, lorsqu’un dernier coup de vent, rendant leurs soins infructueux, fait toucher la barque avec tant