Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/130

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paroles ne firent sur mon cœur, je ne perdis pas une minute, et sans mesurer des yeux la hauteur, je me précipite dans les bras que me tend Gaspard. Son guide et lui m’emportent à l’instant, et en moins de trois quarts d’heure d’une marche forcée, nous rejoignent à nos camarades, un peu surpris de mon changement d’état, mais dont nous ne fûmes pas moins reçus avec des transports inexprimables de joie. Tous les hommes deviennent frères quand le péril les rassemble ; le généreux soldat qui nous sauve, est récompensé de nouveau, j’embrasse mille et mille fois Gaspard, les paroles manquent aux sentimens de ma reconnaissance, notre nègre et nos effets se retrouvent dans le plus grand ordre, et notre route se poursuit.

Ah ! je respire, dit le comte, vous m’avez fait une frayeur… moi qui connais si peu ce sentiment-là ; il n’appartient, je crois, qu’à l’intérêt que vous inspirez de le faire naître dans mon ame ; voilà peut-être la première fois de la vie qu’une jolie femme