Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/170

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ne soit la base, il n’est pas une seule de ses influences qui ne soit un acte de tyrannie. — Et l’humanité ? — C’est la raison du faible, c’est l’égide qu’il oppose au joug qui le ploie et l’asservit, c’est un argument de situation. Qu’il change de rôle, il deviendra tyran comme celui qui le domptait, le sophisme de l’infériorité détruit-il donc la loi de la nature ? L’humanité toujours égoiste ne naît que dans le cœur de l’esclave ; si ses larmes coulent sur les tourmens qu’il voit, c’est qu’il les craint pour lui-même, et voilà pourquoi la raison d’état est cruelle,… le gouvernement ne craint jamais rien du sujet, et celui-ci craint tout de l’état.

Eh bien, dis-je alors à ma compagne, osons avoir autant de courage que ce monstre a de cruauté, partons. — Mais la promesse que tu nous fais, dit Clémentine. — Je la tiendrai, ceci ne regarde que moi ; je peux, quand j’agis pour mon prince, me permettre des torts qui alarmeraient ma conscience s’ils étaient les