Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/544

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mais ils ne m’ont fait aucun mal, et ils annoncent clairement l’envie de ne m’en point faire ; ils ne m’ont point livrée par raison d’état aux mains d’un roi barbare qui pouvait me dévorer : ils n’ont point eu dessein, comme l’alcaïde de Lisbonne, d’abuser de ma misère, pour se procurer des jouissances, ils ne m’ont pas volée pour me contraindre à me jetter dans leurs bras ; ils ne m’ont point brûlée, tenaillée, pour obtenir de moi l’aveu de crimes imaginaires ; ils ne m’ont point placée entre le déshonneur et la mort, pour triompher de ma faiblesse… ils ne me tuent point pour empêcher que je ne révèle leurs crimes… Ce ne sera donc jamais que dans les états proscrits par la société, que je trouverai de la pitié et de la bienfaisance ; et ceux qui sont chargés d’y maintenir l’ordre et la paix, ceux qui doivent y faire régner la piété et la religion tour-à-tour, séduits par le despotisme, ou frémissant sous le joug de l’imposture, ne m’offriront que des horreurs et des crimes ! la civilisation est-elle donc un bonheur ! et si la plus grande