Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/107

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du viol, elle est le fruit de la victoire, puisqu’il faut toujours combattre et vaincre ; elle est donc cent fois plus délicieuse. Songez-vous qu’il y a dans la vie de l’homme vingt ans où il veut encore jouir tous les jours, et où il est pourtant bien sûr de ne plus inspirer que des dégoûts ; et comment serait-il heureux ne pouvant plus donner d’amour, si l’amour seul faisait le bonheur ? Il l’est pourtant ; il est donc possible d’être heureux sans donner des plaisirs, très-possible d’en recevoir sans en rendre. — Les idées d’une femme de dix-huit ans ne sont pas celles d’un homme de cinquante. — Mais est-il bien sûr qu’on ait des idées à dix-huit ans ; ah ! croyez-moi, l’âge où l’on n’écoute que son cœur, n’est jamais celui des idées, égaré par un guide absurde, on se trompe sur les sensations, on veut que la sensibilité savoure ce qui n’est bon qu’en l’outrageant ; pour moi, je l’avoue, il n’y a pas dix ans que je jouis, il n’y a pas dix ans que je me doute de ce qu’il faut exclure, de ce qu’il faut éteindre