Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et cependant je pleure ;… un voile épais semble étendu sur l’avenir ; mes tristes yeux ne peuvent le percer ; si mes doigts l’entr’ouvrent un instant, tous les attributs de la mort s’offrent à moi derrière lui… Ô mon ami !… si vous la perdiez jamais cette Aline qui vous est si chère ! quoique bien jeune encore, si le ciel en voulait disposer !… auriez-vous le courage de supporter cette perte ?… Trouveriez-vous dans votre ame assez de force pour n’en pas être anéanti ?… J’exigerai de vous, quand nous allons nous voir,… que vous me juriez,… à tout événement… d’endurer ce malheur avec résignation ; eh ! Valcour ! qui peut répondre d’un moment de vie ;… frêles créatures,… nous n’avons qu’un clin-d’œil à respirer ici ; le jour qui nous voit naître, touche à celui qui nous éteint ; et cette suite d’instans rapides que rien ne fixe, que rien n’arrête, se précipite dans l’abyme de l’éternité comme les flots du torrent impétueux dans les plaines immenses de l’Océan. S’ils sont si courts, ces instans où nous