Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/211

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respirons, s’ils sont si faciles à détruire, ils peuvent l’être à tout moment ; et pourquoi placer alors son amour dans des créatures si fragiles… Oui, mon ami, je voudrais que, pénétré de ces raisons, vous devinssiez plutôt l’amant de cette ame qui doit me survivre, que de ces périssables attraits qu’un souffle à l’instant peut flétrir. Je vous ai bien souvent grondé de mettre trop de prix à ces destructibles beautés, je vous en gronde encore.

Ô Valcour ! n’aime de moi que ce qui ne peut te fuir ; ne chéris que cette ame où la tienne doit s’unir un jour… Crois-moi, renonce à tout le reste avant que les hommes ou la mort ne t’y contraignent… Sens bien la différence extrême des deux objets que j’offre à ton amour ;… si tu étais quinze ans sans me voir, je te défierais de me peindre, et les mouvemens de mon ame, les pensées qu’elle t’exprime ne sortiront jamais de ton souvenir : préfère donc ce que tu peux conserver sans cesse, à ce qui fuit