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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Mais Adélaïde l’aimait donc ? s’écria le marquis avec la plus affreuse inquiétude.

— Comme la jalousie raisonne !… Kaunitz a su l’heure du rendez-vous qui vous était donné ; il a certainement surpris la princesse, très innocente de l’imprudence de cet étourdi, et la foudre, en éclatant sur celle dont vous êtes aimé, est tombée sur celui qui ne l’est pas.

— Adélaïde est donc innocente ?

— Ingrat, avez-vous pu en douter ?

— Pressons-nous donc de nous occuper d’elle ; ne songeons qu’à la délivrer : le poignard qui frappa Kaunitz ne peut-il pas tomber sur celle qui paraît légitimer les soupçons ?… Ô mon cher comte, nous n’avons pas un moment à perdre.

— Cette précipitation entraverait tout ; garantissez-vous des soupçons ; ne les faites pas tomber sur vous, puisqu’ils n’y pèsent point ; gardez-vous surtout qu’ils ne m’atteignent. Je suis le seul qui puisse vous rendre avec mystère les services dont vous avez besoin : ménagez donc un ami que vous venez de méconnaître et qui vous fut toujours trop sincèrement attaché pour avoir même conçu la plus légère idée de trahison.

— Ah ! mon cher comte, je ne vous accusai jamais ; mais vous voyez où le malheur conduit. Est-il un état plus affreux que le mien ? Quels