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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Voilà tout ce que je voulais savoir, dit-elle à Bathilde, aussitôt qu’elle fut seule avec elle : ceci nous éclaire et ne nous permet pas de rester plus longtemps en Saxe… Ah ! Frédéric, Frédéric, je me soustrairai à vos injustices, mais vous mériteriez bien qu’elles brisassent nos nœuds !

— Ô madame, dit Bathilde, celui que vous craignez voyage, il s’éloigne de vous ; le ferait-il, s’il méditait votre perte ? Et n’était-il pas maître de vous à Torgau ?

— Le conseil de cette évasion est son ouvrage, dit la princesse. Il n’a pas voulu que mon sang coulât si près de son trône ; il m’en écarte pour me mieux ressaisir, et il fait régner mon amant pour me mieux séparer de lui.

— Mais si ses soupçons portaient sur Thuringe, eût-il donc immolé Kaunitz ?

— Un crime ne coûte rien quand il s’agit de se venger. Quoi qu’il en soit, mon amant règne ; au moins il est en sûreté.

— Eh bien, madame, dit Bathilde, si nous allions à Dresde ?

— Ce parti serait dangereux et pourrait nuire au marquis de Thuringe ; il pourrait me coûter la vie. Non que je tienne à l’existence ; le ciel m’est témoin que je ne la chéris que dans l’espoir de retrouver un jour tout ce que j’aime : mais