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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

L’intérêt se trouvant ici divisé sur plusieurs personnes, nous demandons à nos lecteurs la permission de les ramener de temps en temps d’un sujet à l’autre, jusqu’à ce que nous puissions réunir tous les objets qui, maintenant, nécessitent une diversion.

Tout se passait le mieux du monde à Dresde ; le marquis de Thuringe gouvernait avec autant de grandeur que de sagesse les états qui lui étaient confiés : abondance au sein de sa principauté, nuls troubles à l’extérieur, tout annonçait à l’Allemagne que la Saxe ne pouvait qu’être heureuse, si son gouvernement, comme on le croyait, tombait un jour entre les mains d’un homme aussi sage. Mais si la tête du marquis était calme, son cœur n’était point heureux. Séparé de tout ce qu’il aimait, ignorant les lieux qu’habitait l’objet de ses plus tendres affections, instruit, à la vérité, de son évasion de Torgau, mais ne sachant depuis ce qu’était devenue cette femme chérie ; craignant les suites d’un voyage qu’il savait bien n’être entrepris par Frédéric que pour retrouver une femme qu’il rendrait sans doute malheureuse s’il la rejoignait… toutes ces idées le tourmentaient et l’on conviendra qu’il faut être doué d’un heureux caractère pour ne s’occuper que du bonheur des autres, quand on est aussi malheureux soi-même.