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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


mieux que lui pour contenir ces dames, et vous me répondrez d’elles sur votre tête.

Ce nouveau gardien était l’être le plus épouvantable qu’il fût possible de voir. Ses jambes étaient petites et torses et ses bras d’une longueur démesurée ; une bosse énorme pesant sur ses épaules faisait le contrepoids d’une beaucoup plus grosse obstruant sa poitrine. Son organe ressemblait au cri des paons ; il avait les oreilles d’un singe et le visage d’un chien camard ; sa bouche était celle d’un four sur les bords de laquelle on aurait arrangé quelques dents de cheval, à grande distance l’une de l’autre. Sa chevelure rousse et crépue lui donnait l’air d’un renard ; à sa méchanceté on l’eût pris pour un loup, à sa férocité pour un tigre. Il était, en un mot, difficile de deviner, en l’observant, si c’était dans l’espèce humaine ou dans celle des bêtes que devait se trouver son origine. Nos dames reculèrent d’horreur en voyant cet affreux personnage ; mais il devenait leur gardien, il n’y avait pas le plus léger mot à objecter.

— Stolbach, dit Schinders, non seulement vous surveillerez ces femmes, mais vous aurez soin également qu’elles diligentent leur ouvrage : il me tarde de les faire rentrer dans le sein d’une nature capricieuse qui n’aurait jamais dû les lancer sur la terre…