Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
326
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


du mari le plus amoureux ! Un cercueil remplissait le milieu de la gondole ; deux prêtres priaient auprès et un personnage qui se renfonça aussitôt, sans qu’il fût possible de l’apercevoir, jeta le billet suivant dans la gondole du prince.

« Voilà le sort de la princesse de Saxe, et la punition que la République doit à ceux qui veulent conspirer contre elle. Tu la vis hier pour la dernière fois ; on l’arrêtait alors pour la conduire au lieu de son supplice. Profite de l’exemple : la sévérité qui vient de se développer sur la femme pourrait bien avant peu peser sur le mari. Ne sois plus demain dans Venise, et sache que, si tu veux détruire la République de Venise, c’est avec tes troupes qu’il faut te présenter, et non pas avec des complots. »

Pendant que Frédéric lisait en frémissant ce fatal billet, les deux gondoles se séparaient et s’éloignaient en hâte l’une de l’autre.

Il fallut ici toute la force de Mersbourg pour empêcher Frédéric de se précipiter dans la mer. Il voulait, disait-il, expirer sur le cercueil qui renfermait le seul être qu’il eût adoré dans le monde.

— Fuyons fuyons, prince ! s’écria le comte ; c’est l’unique parti que nous ayons à prendre ;