Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
CAHIERS PERSONNELS


ner que tous les bons esprits rejettent ton pouvoir et se soustraient à tes prétendues impulsions, aux fables, en un mot, que publient de toi ceux qui s’engraissent comme des pourceaux à nous prêcher ta fastidieuse existence et qui, semblables à ces prêtres du paganisme nourris des victimes immolées aux autels, n’exaltent leur idole que pour multiplier les holocaustes, — Vous voilà, prêtres du faux dieu que chanta Fénelon ; vous étiez, en ces temps-là, contents d’exciter dans l’ombre les citoyens à la révolte : malgré l’horreur que l’Église a dit avoir pour le sang, à la tête des frénétiques qui versaient celui de vos compatriotes, vous montiez sur des arbres pour diriger vos coups avec moins de danger. Telle était alors la seule façon dont vous prêchiez la doctrine du Christ, dieu de paix ; mais depuis qu’on vous couvre d’or pour le servir, bien aises de n’avoir plus à risquer vos jours pour sa cause, c’est maintenant par des bassesses et des sophismes que vous défendez sa chimère. Ah ! puisse-t-elle s’évanouir avec vous pour jamais, et que jamais les mots de Dieu et de religion ne soient plus prononcés ! Et les hommes paisibles, n’ayant plus à s’occuper que de leur bonheur, sentiront que la morale qui l’établit n’a pas besoin de fables pour l’étayer, et que c’est enfin déshonorer et flétrir toutes les vertus que de les échafauder sur