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CAHIERS PERSONNELS


Mais, malheureusement, je me trouvais entre les mains d’un troupeau d’imbéciles qui ne mettent jamais que des verrous à la place des réflexions et du bigotisme à la place de la philosophie, et cela par la grande raison qu’il est bien plus facile d’enfermer que de réfléchir et de prier Dieu que d’être utile aux hommes. Il faut quelques vertus pour ce dernier cas : il ne faut que de l’hypocrisie pour l’autre.

Après avoir été soupçonné jadis de quelques dérèglements d’imagination semblables à ceux qui se trouvent dans Justine, je demande s’il était possible de croire que j’allasse révéler dans un ouvrage de ma main des turpitudes qui nécessairement feraient repenser à moi. Je suis coupable ou non de ces turpitudes ; point de milieu. Si j’ai pu les commettre, assurément je les ensevelirai toute ma vie dans les plus épaisses ténèbres ; et si je n’en suis que soupçonné sans en être coupable, quelle apparence que je les divulgue, quand cette extravagance n’aurait pour résultat que de reporter les yeux sur moi ? Ce serait le comble de la bêtise, et je hais trop mes bourreaux pour avoir avec eux cette conformité.

Mais un autre motif, plus puissant encore, convaincra, j’espère, facilement, que je ne puis être l’auteur de ce livre. Qu’on le lise avec atten-