passèrent ainsi, pendant lesquels je fus constamment
saignée alternativement de l’un et
l’autre bras, tous les quatre jours. La force de
mon tempérament me soutint, mon âge, l’excessif
désir que j’avais d’échapper à cette terrible
situation, la quantité de pain que je mangeais
afin de réparer mon épuisement et de pouvoir
exécuter mes résolutions, tout me réussit, et vers
le commencement du troisième mois, assez
heureuse pour avoir percé une muraille, pour
m’être introduite, par le trou pratiqué, dans une
chambre voisine que rien ne fermait, et m’être
enfin évadée du château, j’essayais de gagner à
pied comme je pourrais la route de Paris, lorsque
mes forces m’ayant totalement abandonnée
à l’endroit où vous me vîtes, j’obtins de vous,
monsieur, les généreux secours dont ma reconnaissance
sincère vous paie autant que je le
puis, et que j’ose vous supplier de me continuer
encore, pour me remettre entre les mains de mon
père que l’on a sûrement trompé et qui ne sera
jamais assez barbare pour me condamner sans
me permettre de lui prouver mon innocence. Je
le convaincrai que j’ai été faible, mais il verra
bien que je n’ai pas été aussi coupable que les
apparences ont l’air de le prouver, et par votre
moyen, monsieur, vous aurez non seulement
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ÉMILIE DE TOURVILLE
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