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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


m’avoir et je sers bien à votre amusement. — Injuste ami, repartit d’Olincourt, pourquoi faut-il que vous vous en preniez toujours à nous des malheurs que vous envoie la fortune, j’ai cru qu’il suffisait d’avoir le licol de Thémis, pour que l’équité devînt une vertu naturelle, mais je vois bien que je me suis trompé. — C’est que vos idées ne sont pas nettes sur ce qu’on appelle équité, dit le président, nous admettons au barreau plusieurs sortes d’équité, il y a ce qu’on appelle l’équité relative et l’équité personnelle… — Doucement, dit le marquis, je n’ai jamais vu qu’on pratiquât beaucoup la vertu qu’on analyse autant ; ce que j’appelle équité, moi, mon ami, c’est tout simplement la loi de la nature ; on est toujours intègre quand on la suit, on ne devient injuste que quand on s’en écarte. Dis-moi, président, si tu t’étais livré à quelque caprice de fantaisie au fond de ta maison, trouverais-tu fort équitable une troupe de balourds qui, venant apporter le flambeau jusqu’au sein de ta famille, y démêlant à force de ruses inquisitoires, de fourberies, et de délations achetées, quelques travers excusables à trente ans, profiteraient de ces atrocités, pour te perdre, pour te bannir, pour flétrir ton honneur, déshonorer tes enfants, et piller ton bien, dis, mon ami, dis ce que tu