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LE PRÉSIDENT MYSTIFIÉ
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penses, trouverais-tu ces coquins-là bien équitables ? s’il est vrai que tu admettes un Être suprême, adorerais-tu ce modèle de justice s’il l’exerçait ainsi envers les hommes et ne frémirais-tu pas de lui être soumis ? — Et comment l’entendez-vous, je vous prie ? Quoi ! vous nous blâmerez de rechercher le crime… c’est notre devoir. — Cela est faux, votre devoir ne consiste qu’à le punir quand il se découvre de lui-même ; laissez aux stupides et féroces maximes de l’inquisition, le soin barbare et plat de le rechercher comme de vils espions ou d’infâmes délateurs ; quel citoyen sera tranquille quand, environné de valets soudoyés par vos soins, son honneur ou sa vie seront à tout instant dans les mains de gens qui, seulement aigris de la chaîne qu’ils portent, croiront s’y soustraire ou l’alléger en vous vendant celui qui la leur impose ? Vous aurez multiplié les coquins dans l’État, vous aurez fait des femmes perfides, des valets calomniateurs, des enfants ingrats, vous aurez doublé la somme des vices et n’aurez pas fait naître une vertu. — Il ne s’agit pas de faire naître des vertus, il n’est question que de détruire le crime. — Mais vos moyens le multiplient. — À la bonne heure, mais c’est la loi, nous devons la suivre : nous ne sommes pas des législateurs, nous