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LE PRÉSIDENT MYSTIFIÉ
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ont-ils regardé de si près quand ils ont fait rouer Calas ? si nous ne punissions que les crimes dont nous sommes sûrs, nous n’aurions pas quatre fois par siècle le plaisir de traîner nos semblables à l’échafaud, et il n’y a que cela qui nous fait respecter. Je voudrais bien qu’on me dise ce que serait un parlement dont la bourse serait toujours ouverte aux besoins de l’État, qui ne ferait jamais de remontrances, qui enregistrerait tous les édits et qui ne tuerait jamais personne… ce serait une assemblée de sots dont on ne ferait pas le plus petit cas dans la nation… Courage, président, courage, tu n’as fait que ton devoir, mon ami : laisse crier les ennemis de la magistrature, ils ne la détruiront pas ; notre puissance établie sur la mollesse des rois, durera tout autant que l’empire, Dieu veuille pour les souverains qu’elle ne finisse point par les culbuter ; encore quelques malheurs comme ceux du règne de Charles VII, et la monarchie enfin détruite fera place à cette forme républicaine que nous ambitionnons depuis si longtemps, et qui nous plaçant au pinacle comme le sénat de Venise, confiera du moins dans nos mains les chaînes dont nous brûlons d’écraser le peuple. »

Ainsi raisonnait le président, quand un bruit effroyable se fit entendre à la fois dans toutes les