Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/112

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d’un drôle couvert de menſonges & de crimes, ce grand Dieu créateur de tout ce que nous voyons, va s’abaiſſer juſqu’à deſcendre dix ou douze millions de fois par matinée dans un morceau de pâte, qui devant être digérée par les fidèles, va ſe tranſmuer bientôt au fond de leurs entrailles, dans les excrémens les plus vils, & cela pour la ſatisfaction de ce tendre fils inventeur odieux de cette impiété monſtrueuſe, dans un ſouper de cabaret. Il l’a dit, il faut que cela ſoit. Il a dit : ce pain que vous voyez ſera ma chair ; vous le digérerez comme tel ; or je ſuis Dieu, donc Dieu ſera digéré par vous, donc le Créateur du Ciel & de la terre ſe changera, parce que je l’ai dit, en la matiere la plus vile qui puiſſe exaler du corps de l’homme, & l’homme mangera ſon Dieu, parce que ce Dieu eſt bon & qu’il eſt tout-puiſſant. Cependant ces inepties s’étendent ; on attribue leur accroiſſement à leur réalité, à leur grandeur, à leur ſublimité, à la puiſſance de celui qui les introduit, tandis que les cauſes les plus ſimples doublent leur exiſtence, tandis que le crédit acquis par l’erreur ne prouva jamais que des filoux d’une part & des imbéciles de l’autre. Elle arrive enfin ſur le trône cette infâme religion, & c’eſt un Empereur faible, cruel, ignorant & fanatique qui, l’enveloppant du bandeau Royal, en ſouille ainſi les deux bouts de la terre. Ô Théreſe, de quel poids doivent être ces raiſons ſur un eſprit

examinateur