Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/191

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viennent frapper mes yeux, nous entrons dans une ſalle charmante & magnifiquement éclairée ; là je vois trois Moines & quatre filles autour d’une table ſervie par quatre autres femmes toutes nues : ce ſpectacle me fait frémir ; Sévérino me pouſſe, & me voilà dans la ſale avec lui. Meſſieurs, dit-il en entrant, permettez que je vous préſente un véritable phénomène : voici une lucrèce qui porte à-la-fois ſur ſes épaules la marque des filles de mauvaiſe vie, & dans la conſcience toute la candeur, toute la naïveté d’une Vierge… Une ſeule attaque de viol, mes amis, & cela depuis ſix ans ; c’eſt donc preſque une Veſtale… en vérité je vous la donne pour telle… d’ailleurs le plus beau… Oh, Clément, comme tu vas t’égayer ſur ces belles maſſes… quelle élaſticité, mon ami ! quelle carnation ! — Ah ! f… dit Clément, à moitié ivre, en ſe levant & s’avançant vers moi : la rencontre eſt plaiſante, & je veux vérifier les faits.


Je vous laiſſerai le moins long-temps poſſible en ſuſpends ſur ma ſituation, Madame, dit Théreſe, mais la néceſſité où je ſuis de peindre les nouvelles gens avec leſquelles je me trouve, m’oblige de couper un inſtant le fil du récit. Vous connaiſſez Dom Sévérino, vous ſoupçonnez ſes goûts ; hélas ! ſa dépravation en ce genre était telle qu’il n’avait jamais goûté d’autres plaiſirs, &