Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/234

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nous tue, au moins je ne le crois pas ; il eſt impoſſible que des êtres raiſonnables puiſſent porter le crime à ce point… Je ſais bien que… Après ce que j’ai vu, peut-être ne devrais-je pas juſtifier les hommes comme je le fais, mais il eſt impoſſible, ma chere, qu’ils puiſſent exécuter des horreurs dont l’idée même n’eſt pas concevable. Oh ! chere compagne, pourſuivis-je avec chaleur, veux-tu la faire avec moi cette promeſſe à laquelle je jure de ne pas manquer !… Le veux-tu ? — Oui — Eh, bien, je te jure ſur tout ce que j’ai de plus ſacré, ſur le Dieu qui m’anime & que j’adore uniquement,… je te proteſte ou de mourir à la peine, ou de détruire ces infamies, m’en promets-tu autant ? — En doutes-tu, me répondit Omphale, mais ſoit certaine de l’inutilité de ces promeſſes ; de plus irritées que toi, de plus fermes, de mieux étayées, de parfaites amies, en un mot, qui auraient donné leur ſang pour nous, ont manqué aux mêmes ſermens ; permets donc, chere Théreſe, permets à ma cruelle expérience de regarder les nôtres comme vains, & de n’y pas compter davantage.

— Et les Moines, dis-je à ma compagne, varient-ils auſſi, en vient-ils ſouvent de nouveaux ? — Non, me répondit-elle, il y a dix ans qu’Antonin eſt ici ; dix-huit que Clément y demeure ; Jérôme y eſt depuis trente ans, & Sévérino depuis vingt-cinq. Ce Supérieur né en Italie, eſt proche