Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/30

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ſe noîrcit de deux nouveaux crimes ſemblables au premier ; l’un pour voler un de ſes amans qui lui avait confié une ſomme conſidérable, ignorée de la famille de cet homme, & que Madame de Lorſange put mettre à l’abri par cette affreuſe action ; l’autre pour avoir plutôt un legs de cent mille francs qu’un de ſes adorateurs lui faiſait au nom d’un tiers, chargé de rendre la ſomme après décès. À ces horreurs Madame de Lorſange joignait trois ou quatre infanticides. La crainte de gâter ſa jolie taille, le déſir de cacher une double intrigue, tout lui fit prendre la réſolution d’étouffer dans ſon ſein la preuve de ſes débauches ; & ces forfaits ignorés comme les autres n’empêcherent pas cette femme adroite & ambitieuſe de trouver journellement de nouvelles dupes.

Il eſt donc vrai que la proſperité peut accompagner la plus mauvaiſe conduite, & qu’au milieu même du déſordre & de la corruption, tout ce que les hommes appelent le bonheur, peut ſe répandre ſur la vie ; mais que cette cruelle & fatale vérité n’alarme pas ; que l’exemple du malheur pourſuivant par-tout la vertu, & que nous allons bientôt offrir, ne tourmente pas davantage les honnêtes gens ; cette félicité du crime eſt trompeuſe, elle n’eſt qu’apparente ; indépendamment de la punition bien certainement réſervée par la Providence à ceux qu’ont ſéduits ſes ſuccès, ne nourriſſent-ils pas au fond de leur ame, un ver