ſort. J’ai des principes ſur cela dont je ne m’écarterai
point, Théreſe ; le pauvre eſt dans l’ordre
de la Nature ; en créant les hommes de forces
inégales, elle nous a convaincus du déſir qu’elle
avait que cette inégalité ſe conſervât même dans
les changemens que notre civiliſation apporterait
à ſes loix : ; ſoulager l’indigent eſt anéantir
l’ordre établi ; c’eſt s’oppoſer à celui de la Nature,
c’eſt renverſer l’équilibre qui eſt la baſe de ſes
plus ſublimes arrangemens ; c’eſt travailler à
une égalité dangereuſe pour la ſociété ; c’eſt encourager
l’indolence & la fainéantiſe, c’eſt apprendre
au pauvre à voler l’homme riche, quand il plaira
à celui-ci de refuſer ſon ſecours, & cela par l’habitude
où ces ſecours auront mis le pauvre de les
obtenir ſans travail. — Oh ! Monſieur, que ces
principes ſont durs ! Parleriez-vous de cette maniere,
ſi vous n’aviez pas toujours été riche ?
— Cela ſe peut, Théreſe, chacun a ſa façon de
voir, telle eſt la mienne, & je n’en changerai
pas. On ſe plaint des mendians en France : ſi l’on
voulait il n’y en aurait bientôt plus ; on n’en
aurait pas pendu ſept ou huit mille que cette infâme
engeance diſparaîtrait bientôt. Le Corps politique
doit avoir ſur cela les mêmes régles que le
Corps phyſique. Un homme dévoré de vermine
la laiſſerait-il ſubſiſter ſur lui par commiſération ?
Ne déracinons-nous pas dans nos jardins la plante
paraſite qui nuit au végétal utile ? Pourquoi donc
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