Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/417

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que t’importe ? je l’engagerai à te propoſer une promenade hors de la Ville, je lui perſuaderai qu’il avancera ſes affaires avec toi pendant cette promenade ; tu l’amuſeras, tu le tiendras dehors le plus longtemps poſſible, je le volerai dans cet intervalle, mais je ne fuirai pas ; ſes effets ſeront déjà à Turin, que je ſerai encore dans Grenoble, nous emploîrons tout l’art poſſible pour le diſſuader de jetter les yeux ſur nous, nous aurons l’air de l’aider dans ſes recherches, cependant mon départ ſera annoncé, il n’étonnera point, tu me ſuivras, & les mille louis te ſeront comptés en touchant les terres du Piémont.

J’accepte, Madame, dis-je à la Dubois, bien décidée à prévenir Dubreuil du vol que l’on voulait lui faire, mais réfléchiſſez-vous, ajoutai-je pour mieux tromper cette ſcélérate, que ſi Dubreuil eſt amoureux de moi, je puis en le prévenant, ou me rendant à lui, en tirer bien plus que vous ne m’offrez pour le trahir. — Bravo, me dit la Dubois, voilà ce que j’appelle une bonne écoliere, je commence à croire que le Ciel t’a donné plus d’art qu’à moi pour le crime : hé bien, continua-t-elle en écrivant, voilà mon billet de vingt mille écus, oſe me refuſer maintenant. — Je m’en garderai bien, Madame, dis-je en prenant le billet, mais n’attribuez au moins qu’à mon malheureux état, & ma faibleſſe & le tort que j’ai de me rendre à vos ſéductions. — Je