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LA MARQUISE DE GANGE

ainsi qu’il vient d’être dit, et vint remettre au marquis la double clé de la chambre d’Ambroisine. — Ne te trompe pas ce soir quand tu rentreras chez ta femme, dit-il à son frère, voilà la clé de sa chambre ; souviens-toi que c’est au premier étage qu’elle loge, ayant donné la chambre du second étage à la jeune personne, comme moins commode que l’autre. — Je ne sais si j’irai, dit le marquis ; jusqu’à ce que sa conduite soit un peu plus claire, je n’ai pas trop envie de me rapprocher d’elle. — Mais rien encore ne légitime tes craintes, dit l’abbé. Continuons d’observer : au sein de la familiarité que donne le lieu que nous habitons maintenant, il nous sera facile d’éclaircir nos doutes. Je t’ai promis mes soins, compte sur eux, mon frère, et jusque-là, ne traite pas ta femme avec trop de rigueur ; je crois qu’elle ne le mérite pas. — Hé bien ! dit Alphonse, j’irai donc chez elle ce soir ; mais il est de bonne heure, allons faire un tour dans la prairie.

Villefranche et les deux frères vont se promener. On rentre à onze heures du soir ; et comme les deux dames étaient restées chez elles, à s’établir ou à préparer leur toilette du lendemain, Alphonse, muni de la double clé, et sûr de trouver Euphrasie chez elle, se présente à l’étage qui lui est indiqué par son frère. À peine est-il sorti, que Théodore le suit, le devance dans les ténèbres ; de manière que tous deux, munis des clés qu’il leur fallait,