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LA MARQUISE DE GANGE

mières années, fournissaient à l’inconduite que vous lui supposez bien plus d’occasions de mal faire, et elle n’a jamais profité d’aucune. — Mais l’histoire du brigand, comment la justifiez-vous, madame ? — L’existence du fait anéantit l’accusation ; ma fille avait le choix de la mort ou de l’infamie ; elle vit, donc elle est innocente. — Donc elle est coupable, dit l’abbé. — Non, monsieur, donc elle est innocente : elle se tuait elle-même, si elle eût été contrainte à succomber. — Eh bien ! éclairez-nous sur le reste, madame, c’est tout ce que je puis vous dire ; mais croyez que son aventure de Beaucaire, sa détention à Montpellier, mystérieusement ordonnée par l’évêque, le retour subit de ce même Villefranche ; soyez assurée, dis-je, que ce sont là de fortes présomptions contre votre fille. Au surplus, le repentir qu’elle en éprouve, le chagrin où de nouveaux reproches replongeraient mon frère, tout cela m’engage à vous demander le secret sur notre conversation, et les suites vous prouveront quelque jour si c’est votre crédulité qui vous trompe, ou si c’est ma frayeur qui m’abuse. — je conçois comme vous, monsieur, les motifs de taire vos soupçons, encore plus les bases dont vous les étayez ; mais rien ne m’oblige à voir aussi facilement du mal dans la conduite d’une fille… qui ne me donna jamais un instant d’alarmes, et j’attendrai, pour me rendre, des preuves capables