Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
LA MARQUISE DE GANGE

de sa bouche à demi close, paraît s’élancer vers ce Dieu l’âme qui vient de l’animer ; et, comme elle n’existe plus que dans lui, elle ne peut plus renaître que par lui.

Ô monstres ! qui choisissez cet instant pour compléter sa ruine, venez la voir dans cet état d’anxiété qui l’unit à ce Dieu que vont effrayer vos crimes ; et si la vue de cet ange céleste n’en arrête pas les effets, tous les supplices de l’enfer sont encore trop faibles pour vous.

Théodore, qui connaissait les habitudes de sa sœur, n’avait pas oublié d’indiquer à Villefranche ce moment comme le plus propice au triomphe qu’il prétendait remporter. — Elle est là, lui dit le perfide ; son âme, attendrie par la dévotion, s’ouvrira plus facilement à l’amour : pars, mon ami, introduis-toi doucement dans le labyrinthe, saisis l’instant ; si elle prie, elle est à toi ; je ne t’en réponds plus, si le moment d’effervescence est évanoui. Sois pour elle le serpent qui tenta Eve : elle priait aussi dans ce moment.

— Que penses-tu de ces prières habituelles que ta femme va faire tous les ans dans le labyrinthe ? dit Théodore dans le même instant au marquis. Quant à moi, je t’avoue qu’elles ne m’édifient point. Si j’étais marié, je t’assure, mon cher, que je n’aimerais pas que ma femme allât ainsi s’égarer dans les bois, toute seule, à l’heure qu’il est. C’est malgré moi que mes soup-