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LA MARQUISE DE GANGE

donc je ne dois point en croire mes yeux ? — L’apparence est souvent bien trompeuse, monsieur, dans de pareilles crises. Hélas ! c’était pour vous que j’invoquais l’Éternel, quand un homme que j’ai reconnu à peine s’est saisi de moi, et m’a fait trouver par vous dans la situation suspecte où ce méchant me contraignait par force. — Je ne lisais pas dans votre volonté, et je surprenais vos actions. — Mais, si vous ne lisiez pas dans ma volonté, pourquoi la supposez-vous coupable ? — Parce que les faits en prouvent la dépravation. — Ainsi donc, vous croyez qu’une épouse fidèle depuis qu’elle vous appartient, qu’une épouse qui vous adorait… qui vous adore encore, vous la croyez coupable envers vous du plus grand des crimes ; seulement parce que les apparences sont contre elle ? — Comment ? ce qui s’est passé là n’est pas une suite de votre aventure de Beaucaire ? Ce n’est pas un résultat de votre liaison avec Villefranche ? — Mais comment voulez-vous, monsieur, que ceci soit une suite de ce qui n’a jamais eu de commencement ? Dès que je me suis justifiée sur la première partie de cette fausse accusation, pourquoi voulez-vous admettre la seconde, dont l’existence est nulle, dès que s’est anéantie la première ? Si vous avez conservé quelques soupçons sur Villefranche, pourquoi le recevez-vous quand il revient ? À qui de nous deux appartient le tort ? j’ose ici