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LA MARQUISE DE GANGE

sèche les larmes, veut emporter quelques meubles ou vêtements à son usage ; le marquis s’y oppose. — On vous donnera tout ce qui vous sera nécessaire, dès que vous serez établie dans cette tour, lui dit-il, le front courroucé ; soyez tranquille, madame, vous y serez traitée avec plus de douceur que vous n’en méritez.

Elle obéit, elle suit son époux ; mais, en passant près de son lit, elle arrache le portrait d’Alphonse, qui n’avait jamais quitté cette place : — Oh ! pour ce meuble-ci, dit-elle avec énergie, pour celui-ci, on ne me le ravira pas. — Laissez ce portrait, madame, dit Alphonse, en faisant ses efforts pour le lui enlever, vous n’êtes plus digne de le posséder, puisque vous avez trahi celui qu’il représente. — Non, non, je ne l’ai point trahi, et l’on ne m’arrachera point son image, dit cette infortunée, en la pressant contre son cœur ; elle sera ma consolation dans la retraite à laquelle vous me condamnez ; je lui adresserai ces preuves de mon innocence, que vous refusez d’entendre ; elle sera plus juste que vous, elle les écoutera. Mais le tableau, brisé dans le débat, tombe à terre, la malheureuse se précipite sur lui, comme une mère égarée à laquelle on ravit ses enfants ; elle ramasse la toile, la presse sur son sein, et monte.

La chambre où on va l’enfermer, située au-dessus des archives, est ronde comme la tour