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LA MARQUISE DE GANGE

l’injustice… Euphrasie, repoussée par Alphonse, dégage la porte en tombant de l’autre côté ; elle se ferme avec fracas, et l’on n’entend plus dans l’intérieur que les sanglots du désespoir et les cris aigus de l’agonie.

— Je ne t’aurais jamais cru capable de tant de force, dit l’abbé, en voyant revenir Alphonse ; mais tu as fait ce que tu devais… De ce moment, point de repentir. — Oh ! mon ami, si tu l’avais entendue, peut-être ajouterais-tu quelque croyance à ce qu’elle dit. — Eh ! ne sais-tu donc pas que l’instant où les femmes sont le plus coupables est toujours celui où elles se justifient le mieux ? — Ah ! mon frère, il me semble que ses larmes soient retombées sur mon cœur : je les sens là. — Il faut te dissiper, Alphonse ; Avignon devient un lieu de sûreté pour toi ; c’est une ville charmante ; vas-y passer quelque temps ; je me charge des soins du château. N’oublie pas surtout de m’envoyer madame de Châteaublanc et ton fils : je t’ai fait sentir à quel point cela était essentiel. Le prétexte de venir voir sa fille légitimera puissamment le voyage. Tu ne lui expliqueras rien avant de partir : je lui dirai ce qu’il convient quand elle sera ici.

Tout s’arrange, et le marquis part sans revoir son épouse, sans daigner même demander de ses nouvelles à la femme chargée de la servir.

Dès le lendemain, Théodore monta chez Eu-