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LA MARQUISE DE GANGE

la soumission remplacer la fierté dans son âme de bronze, et le besoin la jeter inévitablement dans les bras qu’elle sentira bien être les seuls qui puissent encore s’ouvrir pour elle. — Ton conseil est bon, mais il est dur, mon cher Laurent. — Eh ! doit-on balancer dans le cas où vous êtes ? Quelle proportion y a-t-il entre vos désirs et ses malheurs ? Ne doit-on pas toujours préférer ce qui nous flatte à ce qui n’intéresse que les autres ? En un mot, est-ce à moi de vous donner des leçons, et ne suis-je pas votre digne élève ? — Tu as raison, mon ami, je bannis toute pitié désormais, pour ne plus écouter que mon amour ; mais il faut aller par gradation : un chagrin aujourd’hui, demain une tentative, ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle se rende. — Oui, voilà qui va le mieux du monde, dit Laurent ; mais si elle ne se rend pas ? — Impossible, mon ami, c’est une place forte que nous battons en brèche : les assiégés capituleront ; le pis-aller sera l’assaut. — Il vaut mieux… oui, monsieur, il vaut mieux, toutes réflexions faites, que l’on capitule ; elle le fera, soyez-en certain. — J’y compte… Envoie-moi la femme qui la sert, afin que je lui donne mes ordres.

— Rose, dit l’abbé, en voyant entrer la gardienne, fille d’environ trente ans, et attachée à la maison depuis son enfance, allez dire à votre maîtresse qu’en vertu des nouveaux ordres que